jeudi 14 février 2013

Mes outils d'écriture

Je me suis dit qu'écrire quelque chose sur les outils que j'utilise pour écrire pourrait intéresser quelques uns de mes lecteurs. Je vais donc vous présenter chacun de ces objets qui m'accompagnent dans ce travail personnel.

Mais avant cela, il y a plusieurs choses à préciser :  il ne s'agit pas seulement "d'outils". A vrai dire, le terme "outils" peut sembler réducteur et concret. En effet, il y a ce que mon frère Nicolas appelle la "triangulation", autrement dit il s'agit de s'offrir la force d'un élan (poétique), voire le recul nécessaire à l'écriture, par appuis sur un autre médium. Je trouve cette idée de triangulation intéressante car elle exprime bien le besoin que l'on peut avoir de prendre de la distance par rapport à son support de travail et à son sujet.

Souvent, il n'est pas possible de réaliser un face à face avec l'écriture, car la spontanéité est tout simplement absente et il n'est jamais bon de forcer l'écriture, sous peine de superficialité. Chez moi, les mots doivent fermenter en tonneau un certain temps, et je prends toujours ce temps pour penser et sentir le juste moment pour écrire, quand je les entends me presser, ce que d'aucun appelle "le souffle" de l'écriture. A l'opposé de cela, il y a ce que j'appelle l'ornement cousu de trop de défauts, notamment quand il constitue un ajout au texte car il se résume alors à de la décoration et blesse ainsi le texte en enterrant son objet. Selon moi, le respect de ce temps de fermentation est essentiel, malgré toutes les frustrations que l'on peut rencontrer de ne pas vivre l'enthousiasme du moment d'écriture, ou au contraire la pression folle des vents intérieurs que l'on doit parer jusqu'à ce qu'ils soient quiets.
Cette métaphore du vent déchaîné me permet de vous décrire une autre possibilité, la plus complexe à expliquer : que la spontanéité même soit dépassée par la vision que l'on a du Réel. Ce dernier peut s'avérer brûlant comme le Soleil, c'est véritablement l'histoire d'Icare. L'objet nu que l'on tente alors de cerner au sein de son milieu ("mondé" dirais-je) peut ainsi nous apparaître trop directement et nous blesser, car nous avons perdu trop d'assise symbolique au sein du monde (j'en parle dans mon poème "Il n'y a rien sans leurres").
L'écriture est donc aussi le jeu du funambule qui se concentre sur son équilibre - l'harmonie - de ses pas - de ses mots - et qui apprécie la distance qui lui reste à parcourir - le sujet - avant d'atteindre l'autre bout, la fin de l'épreuve (ce que l'on éprouve) - la fin du poème -.

Les outils sont donc d'une part le moyen de choisir à quelle distance on tient son sujet, et d'autre part un ressource concrète pour le travail en cours.

Bien entendu, il y a aussi le plaisir de fréquenter des objets que l'on a choisi pour être auprès de soi ou construit soi-même. En bref, ce sont des objets d'affection qui mis bout à bout ont peut-être la force d'ajuster cette distance dont nous avons parlé.



Ces objets, quels sont-ils ?

Commençons par l'essentiel : les cahiers de poésie. Je n'ai jamais trouvé de meilleurs cahiers que ces "Note Book" (cf. Image).
C'est un bel objet. La couverture et la quatrième sont un peu rugueuses, ce qui est très agréable au touché (les couleurs toujours élégantes). L'intérieur est simple, sans ajouts, parfaitement libre pour l'écriture. Il y a des lignes, mais pas de carreaux (que je n'aime pas car il me donne l'impression de calculer la longueur de mes phrases) et les pages sont souples mais pas fragiles, enfin l'on éprouve beaucoup de plaisir à écrire sur ce papier lisse et suffisamment épais.

En y réfléchissant, je me dis que ce n'est pas forcément évident, mais il me semble préférable d'avoir un bel objet pour produire de belles choses. C'est presque une motivation supplémentaire : s'entourer de belles choses.

Après quelques années d'indécision, j'ai choisi le cahier au détriment de l'ordinateur pour écrire. Ce dernier a beau être très pratique, le travail de réécriture sur celui-ci n'est jamais si important, et les avantages en terme de liberté sur la page, entre les lignes, de pouvoir dessiner, rayer (etc), ne sauraient être dépassés par l'aspect pratique de l'informatique.

J'ai donc de multiples cahiers de ce genre, qui dure entre 4 mois et 1 an en ce qui concerne la poésie.

Mais je les utilise aussi pour deux autres choses :
- D'une part, je colle dans l'un deux mes synthèses (notes de lecture publiées sur le blog notamment) de livres, souvent qui m'ont particulièrement saisi.
- D'autre part, je répertorie dans mon "cahier bleu" tous les mots qui me sont inconnus, les expressions qui me font sourire de plaisir (par ailleurs, j'ai un répertoire pour l'anglais de Shakespeare), ce qui m'amène aux dictionnaires...



Je pense tout particulièrement, en dehors des dictionnaires habituels, au dictionnaire analogique de Prudence Boissière(cf. image), une véritable mine d'or pour les amoureux du français.
Je pense que quelques exemples seront plus éloquents qu'une explication. Prenons le mot "ornement". Il renvoie à BEAU où l'on le trouve ; à chaque mot est rendu compte alphabétiquement d'un grand nombre d'analogie, ce qui donne pour BEAU :
- Adonis, jeune garçon qui se trouve beau ; - s'Adoniser, se trouver beau, comme Adonis.
- Appas, charmes.
- Bien ; assez bien ; mieux : cet homme est bien, il est bien de figure.
- Calli, commence plusieurs mots où il exprimer l'idée de beau, comme calligraphe, calligraphie, callipyge, etc.
- Diable (beauté du), la jeunesse.
- Frisque, joli et mignon. (vx)
- Nonpareil, qui est sans égal.
- Ornement, ce qui orne ; action d' - ORNER, rendre beau par des accessoires.
- Spécieux, qui a de belles apparences ; - spéciosité, belle apparence ; - spécieusement.
- Tourné (bien), fait au tour, bien fait.
- Vénusté, grâce et beauté.
(etc)

Je n'ai cité que quelques mots au hasard sous "BEAU". C'est un outils utile pour trouver une nuance qui nous échappe, mais il a le défaut d'être très, voire trop riche, et parfois dépassé, ainsi on peut avoir tendance à tomber dans "l'ornement", ou à utiliser des mots trop anciens et rares pour que le lecteur comprenne et que sa lecture soit fluide, d'autant que personnellement, je m'habitue relativement vite à la présence de nouveaux mots dans mon lexique et j'en oublie leur aspect inusité. Mais je ne pense pas qu'il soit si désagréable pour le lecteur de rencontrer un mot dont il ignore le sens, et de toutes façons, il y a des choses que l'on ne peut dire avec un vocabulaire pauvre.

Sans oublier d'avoir un stylo qui nous convient, il me semble ne rien avoir oublié d'essentiel, sauf une dernière chose qu'il peut sembler étrange de qualifier "d'outils" : ce sont les autres auteurs. 

En effet, je crois impossible d'écrire sans entretenir un rapport aux auteurs préexistants. Bien sur, chacun est libre d'élire ceux qu'il préfère. Pour ma part, j'ai été totalement saisi par la beauté et l'universalité que dégage deux auteurs :
- Rainer Maria Rilke : Les élégies de Duino (mais pourquoi ne lis-je pas l’allemand !).
- William Shakespeare, notamment Hamlet (merveilleux en anglais).


















Ces oeuvres sont des merveilles du patrimoine de l'humanité. Il y a bien d'autres auteurs qui ont mon amour et ma plus haute estime : Antonin Artaud, Henri Michaux, Apollinaire, etc (et là, seulement ce qui concerne la poésie).

Voilà que je me pose une question : peut-on exister véritablement dans l'écriture sans rapport aux autres auteurs ? Je ne le pense pas, la langue vient bien de quelque part, et si l'on tend à construire la sienne singulière, juste et belle, c'est en entretenant un lien privilégié à certains d'entre eux que c'est possible.

Quand je commençais à écrire, petit (j'avais peut-être 10 ans ?), je lisais Henri Michaux. Et j'adorais ce poème :


Icebergs

Icebergs, sans garde-fou, sans ceinture,  où de vieux cormorans
abattus et les âmes des matelots morts récemment viennent s'accouder
aux nuits enchanteresses de l`hyperboréal.

Icebergs, Icebergs, cathédrales sans religion de l'hiver éternel,
enrobés dans la calotte glaciaire de la planète Terre.  
Combien hauts, combien purs sont tes bords enfantés par le froid.

Icebergs, Icebergs,  dos du Nord-Atlantique, augustes Bouddhas gelés
sur des mers incontemplées. Phares scintillants de la Mort sans issue, le
cri  éperdu du silence dure des siècles.

Icebergs, Icebergs,  Solitaires sans besoin, des pays bouchés, distants,
et libres de vermine. Parents des îles, parents des sources, comme je
vous vois, comme vous m'êtes familiers...

                        Henri Michaux (La Nuit remue)



Et j'avais moi-même écrit : 



Iceberg

L’igloo flotte, sans ceinture.
Iceberg, Cathédral hivernal.
Phares mobiles des mers
Ou le silence dure des siècles.
Solitaire sans besoins,
Parents des sources lointaines
Et fils de la montagne.
Les matelots viennent
S’accouder à vos pointes
Pour une épave proche de Dieu.



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C'est assez étrange de se dire que l'on a écrit cela à cet âge, mais j'ai toujours aimé ce petit poème de mes 10 ans, sans doute le cinquième ou le sixième poème que j'ai écrit. C'était un vrai voyage ! Pendant longtemps, je me souviens que ces mots, les siens et les miens, sont entrés en échos et que cela me procurait beaucoup de chaleur et de réconfort.
Finalement, pour commencer quelque chose, on ne peut qu'imiter. "Faire à la façon", disaient-ils au collège et au lycée, mais là, je détestais cela... Je n'ai jamais réussi à pondre quelque chose de bien sans intimité, aussi étais-je toujours honteux d'écrire dans un autre contexte.
C'est ici l'occasion de répondre à une objection que l'on m'a souvent faite : "pourquoi écrire si tu ne le partages pas ?". Je répondais : "je ne sais pas, j'écris pour moi, c'est tout. Parfois je fais lire un texte à un proche."

Pourtant, la vérité, c'est que ces auteurs-outils sont parfois presque une altérité pour moi et, qu'ainsi, il y a déjà une sorte de partage. Malheureusement, dans une société du conformisme et de la consommation stupide comme la notre, il est impossible pour moi de maintenir ce lien en permanence - je ne sais pas si ce serait souhaitable - et je le regrette parfois. Je n'arrive pas à faire preuve d'élégance et d'intelligence la majorité du temps. Ce n'est pas ce que je voudrais que l'on croit de moi.
Pour 99% d'entre nous, il faut toujours se battre contre la bêtise ambiante : racisme éhonté, absence de concentration sur quoique ce soit, absence de richesses intérieures, voire absence de conscience...

Pouvoir choisir le rapport que l'on entretient au monde est un rare privilège. 

Très récemment, j'ai appris que d'autres sortes de dialogue étaient possibles, surtout par "Le Dialogue" que j'ai entretenu avec mon frère Nicolas (publié sur le ce blog). Je le remercie ici pour cela. C'est si rare et difficile de trouver rien qu'une véritable écoute de ce qui est écrit, alors une compréhension, cela n'existe quasiment pas, même sous forme d'interprétations personnelles. De plus, avec le temps, on prend des raccourcis dans l'écriture, tout simplement parce qu'il y a déjà du chemin parcouru derrière soi. Et beaucoup de lecteurs s'arrêtent de lire quand ils se rendent compte qu'ils ne sont pas entrain de se lire (eux-mêmes, dans la langue qui est la leur).


Merci à mes lecteurs























Poèmes 2009 : À couvert de l'issue


Sans doute 25 Mars 2009 au 18 Novembre 2011


À couvert de l'issue

À la vue des fuites dans leur écorce,
Je reçus l'aide des arbres morts.
Une souche appesantie,
Percée de vermisseaux :
Je la bus comme l'eau d'une caverne.

Grâce à une sangle perdue,
J'ai navigué au-delà des platanes.
La défaite des mots a brisé la fenêtre contre-nature.
Éclat de rire - éclat du gîte :
Les deux derniers souffles de ce temps-là.

Une césure dont l'écho blâmant me revient sans cesse :
L'écho de l'amour et de sa défaite.
J'ai froid.

À couvert de l'issue, sans haine, et la parole creuse,
Les mains en voie de guérison dépassent le rythme de l'histoire.
Moi je ne peux plus, si jeune, regarder. Je ne peux plus que toucher.
Se voir rejeter en dehors du monde, être mais ne plus se voir devenir.
J'ai froid.

À couvert de l'issue, le silence m'enrobe comme la femme à la bougie, licencieuse et pittoresque,
Enrobée de cercles sobres qui renferment sa consistance.
Je flotte.
J'ai froid.
La découverte de l'issue est un mystère que le pardon abandonne.




Poème 2008 : Rien sur la main


écriture du 4 Juillet 2008 au 18 Novembre 2011

Rien sur la main

S'enquérir du nom des hommes, 
Trouver le sel pour les embrasser
Tant que la mer brise la côte.

Éviter de voir ses lèvres gercées par de longues encablures de rire
Qui tractent la terre à des fins trop hautes pour en connaître.
Il faut s'en référer au front, les sourcils amers sans bure dessus,
Aux mains saumurées, aux pieds nus et éternellement nus.
Être toujours en voyage car les frontières abattent les arbres,
Ne pas laisser sa trace sauf un long sillon dans la terre,
Comme une rosace pétrie dans le sable.

Il ne me reste rien d'autre que la sécheresse du bout des doigts
- pourtant étrangère à ma personne - au moins elle me suit.

Un visage, un demi-visage, à la porte des reflets,
Qui renâcle, qui renaît, qui voudrait aimer,
Sans issues données à ses airs de souverain.



mercredi 6 février 2013

"Indice pour l'espoir" : une ancienne tentative de roman ...


Il y a quelques années, six ans peut-être, j'avais tenté d'écrire autrement. J'ai toujours écrit "de la poésie", bien que je ne me sois jamais vraiment posé de question de ce que revêt mon écriture. Voici une page que j'ai écrite il y a donc six ans et qui devait être l'amorce d'un roman qui se serait appelé "Indice pour l'espoir"




Je me promène aux alentour de chez moi sans vraiment regarder vers ou je vais. Parfois l’on est si blessé qu’on avance avec l’impression de s’enfoncer dans la terre, mais sans arriver à la pénétrer. Un peu comme si le goudron devenait mou. Alors on continue, aveugle dans des rues si familières, blessé, vide et fragile, pourtant confiant, parce que la vie nous a montré, parfois, que la douleur ne devait pas être source de culpabilité. Je pense à cette jeune femme que je désire, Corinne. J’ai décrété que je la désirais, mais en fait… il me faut me souvenir encore une fois de cette entrevue avec elle. Zut, je me sens perdu.
C’est étrange, je lai rencontré au « jardin des plombes » lors d’une discussion bruyante avec deux de mes amis de faculté. C‘était une de ces discussions qui ne peut aboutir tant chacun est solidement amarré à ses idées et tant le lien d‘amitié empêche la résolution du conflit par une dispute en règle. Il m’a semblé que Guillaume et elle se connaissaient de longue date, comme ça, je dirais seulement de vue. Nous nous sommes présentés, assez cordialement, mais derrière cet aspect de la rencontre je ressentais une tension sous-jacente entre nous qui m’enhardissait et me faisait perdre mes moyens à la fois. Je crois, enfin j’espère qu’elle l’a senti aussi. Comme la discussion s’était terminée avec son arrivée, je remarquais combien sa présence dans le groupe faisait sensation. Je voyais bien que comme moi, les autres trouvaient rapidement un papier et de quoi y écrire leur numéro de téléphone pour le lui donner. Mais c’est à moi qu’elle donna le sien.
Penser à elle me fait oublier la solitude des vacances. Que je les déteste! Mais, elle, est-elle partie? Je crois que Corinne est une fille simple, belle certes, mais de celle que d’apparence l’on ne croit pas unique. Elle a surtout ce regard de bonté si rare, cette compassion pour les moindres douleurs que l’on peut éprouver qui perce tous les voiles de convention sociale. Elle a une petite poitrine qu’elle a mise en évidence en ces temps estivales, les mains entre la calme immobilité et la honte, la fragilité. Elle souriait toujours en coin.
Et ce serait comme si elle était déjà pour moi? Je me rends compte que mes petites impressions ne pouvaient fonder une telle certitude. J’ai peur de l’inconstance, en même temps chaque petit détail un rien inhabituel accroché pour une seconde à mes sens est interprété comme le signe de quelque chose. Non je ne suis pas superstitieux, c’est simplement que je me fis à tout ce qui me vient dans la vie pour élaborer la compréhension de ce qui m’entoure.
Marcher, continuer de marcher, j’imprime des marques imaginaires dans le sol, ça me soulage. Pour quelques instants je joue comme un enfant avec les marques au sol, j’invente les règles d’un jeu insolite selon que je marche sur les bandes noires puis blanches des passages piétons, ou que je marche sur des pavés. Je marche toujours de cette manière en dernier recours, quand tout ce que je ressens se contredit, est retenu forclos. Je me dis qu’au moins j’avance, si ce n’est dans ma vie, au moins sur la terre qui me porte. J’ai le souffle court. À quoi penser? Je me sens mieux, je vais quelque part. En fait quand je marche, je me rapproche de moi-même. Cela me permet d’avoir à porter de regard ce que je cherche: un peu d’inspiration malgré tout. De la force pour créer, de la force pour mener ma vie.
Quelqu’un me frappe - je suis dans le métro - j’ai perdu l’équilibre - douleur. Je suis seul, l’homme avec sa blouse, je ne le vois plus. Je me demande ce que j’ai perdu: mon portefeuille et puis…ce que j’étouffe!

dimanche 3 février 2013

Un rapprochement du droit pénal des mineurs et du droit pénal des majeurs


Je vous invite à aller lire mon article sur ce sujet sur le blog d'ars industrialis :

http://www.arsindustrialis.org/un-rapprochement-du-droit-p%C3%A9nal-des-mineurs-et-du-droit-p%C3%A9nal-des-majeurs

Ecole d'Epineuil : cours de philo 6


Cours 6 : (pas encore terminé de tout reprendre)
http://pharmakon.fr/wordpress/category/cours/

La vie en groupe qui rassemble des êtres sans qualité est constituée non pas par une identité génétique mais par une inventivité, le pendant de la technicité. Mais cette invention est aussi factice, comme le dira Heidegger, une artificialité, art aussi. Cela constitue une pharmacologie.
Cette technicité produit de l'éris, c'est-à-dire de la discorde. Par exemple, tableau représentant Eris jetant la pomme de la discorde « à la plus belle » à l'occasion des noces de Pelée et Thétis (éristique : art de la dispute et du débat). Mais c'est aussi un facteur de concorde car il y a une bonne éris. Il y a de l'éris chez les dieux.

Jean-Pierre Vernant : Zeus est le fils de Chronos. Les olympiens ont asservi les titans. Prométhée est obligé d'obéir à Zeux, mais il se venge, cela impacte les mortels. Ce conflit est à l'origine des mortels, ce que dit la « Théogonie » d'Hésiode. La naissance des mortels transforment l'éris : il n'y a plus une seule éris, mais deux. Elle est l'unite du bien et du mal, consubstantielle à la condition du mal. La stasis est la hantise des grecs : la guerre civile. La guerre à l'extérieur est normale pour les grecs qui sont un peuple guerrier. La bon éris, c'est celle des « Travaux et les jours » d'Hésiode sur le travail agricole notamment qui bénéficie d'une émulation.
Aujourd'hui, il faut distinguer concurrence et émulation. Car la concurrence telle qu'on nous la vend à la commission européenne est la conquête du monopole, écraser l'autre.

Éris devient biface comme le dieu Janus chez les romains pour les mortels. Qu'a fait Prométhée ? :
- Il y a l'histoire de la ruse du feu.
- Dans l'âge d'or, les mortels ne sont pas encore mortels mais sacrifient déjà. Prométhée, pour se venger, cache sous la graisse du bœuf les os de la bête. Lorsqu'on mange l'animal, on rend grâce aux dieux. Le magairos (orth ?) boucher, l’imam pour arabe, le rabbin pour les juifs, tue la bête en plongeant le couteau dans l'aorte puis jette le couteau au loin car il est maudit par ce meurtre. La bête est découpée, on enlève les organes, la graisse, une fois racise, on la grille et les meilleurs morceaux (cœur et foie) sont brûlés sur un autels avec des herbes aromatiques. Zeus est furieux et se venge contre les mortels (parfois aussi contre Prométhée sont le foie est dévoré : la mélancolie, on broie du noir) (dans l’eucharistie aussi, les chrétiens mangent Dieu en sacrifice, ils l'incorporent) : les mortels devront travailler pour manger. C'est une autre version de l'accès à la technique pour les mortels.

Qu'est-ce que la mauvaise Eris ? Socrate accuse Gorgias d'en être une source : il parle du mauvais esprit qui frappe la société à cause de l'éristique des sophistes, une désindividuation psychique du collectif. Cela conduit au dégout de soi et des autres. Quand on perd le sentiment d'exister et de s'individuer, on ne se respecte plus, ni les autres. On peut devenir criminel. Socrate discutant avec Polos, dit que pour être (pour s'individuer), il faut participer au groupe, on ne peut être heureux si on fait du tort au groupe. Celui qui est le plus digne de pitié est le criminel, pas la victime. 

Les grecs vont faire de la question le centre leur pensée. Qu'est-ce que la question de la question ? Heidegger « Être et temps » : « cet étant que nous sommes nous mêmes a par son être entre autre chose la possibilité de poser des questions », exister c'est avant tout pouvoir poser et se poser des questions. Celui qui questionne est le « dasein » (celui qui existe, qui s'extériorise, un étant existant). Il a un passé. Il n'est pas derrière lui, mais ce passé l'a toujours précédé. Cette histoire qui nous précède n'est pas forcément la nôtre, mais ce que nous disons dans ce cours est dit comme notre histoire. Ce passé qui nous précède doit faire l'objet d'une interprétation, ce que B. Stiegler appelle une « individuation du passé ». Le « dasein » peut transformer son passé en l'avenir de tous, de « l'individuation collective ». Dans la Grèce antique, c'est le questionnement, sur un mode « thétique » : tenir une position. Questionner, c'est remonter le cours du temps. Cette façon de questionner, c'est l'anamnésis (la réminiscence) selon Platon. Selon B. Stiegler, ce qui permet de remonter à la source noétique, c'est l'écriture, mais c'est aussi ce qui nous en empêche.

Quel rapport entre la vertu, et Diké et Aidos ? Ce sera la question du dialogue Ménon. « Ti esti » ? « Qu'est-ce », une tournure que B. Stiegler transpose dans ce que Roland Barthes appelle la « closule zazique » : la « closule » se rajoute en fin de discours, « zazique » en rapport au roman de Raymond Queneau. Une petite fille Zazi est confié à son oncle Gabriel et rêve d'aller dans le métro où elle n'ira pas. Elle critique le métalangage de l'adulte (l'oncle) : « si tu es sage, je t'amènerai voir le vrai tombeau du véritable napoléon », à chaque fois elle lui rétorque la closule zazique.R. Queneau a fondé la pléiade, philosophe et mathématicien. Ici, on voit la critique du métalangage, fausse pensée, discours des sophistes.

Quel rapport entre la caverne de Platon et l'hadès ? Qu'est-ce que la vertu ? C'est la closule zazique d’Athènes.  

Ecole d'Epineuil : cours de philo 5

 Cours 5 :
http://pharmakon.fr/wordpress/category/cours/

- Hésiode, « Théogonie » : la genèse des dieux, dans laquelle il raconte le conflit de Zeus et de Prométhée. « Les travaux et les jours » : Hésiode conteste l'héritage de Persès, son frère, et parle de la justice des hommes et des dieux. La justice des hommes est injuste car finie. Il dédie son livre à Diké, déesses de la justice, car il a perdu son procès.
Dans ces ouvrages, il s'agit de la mauvaise « éris » (éristique) : quelque chose à la fois bon et mauvais, mais c'est d'abord ce dont on fait l'expérience comme quelque chose de mauvais.
La bonne éris est la stimulation, l'émulation, par exemple du concours de poésie qui précède du Banquet. Ou, celle que l'on voit à Olympie où se tienne les olympiades : le moment, tout les 4 ans, de rencontre des cités grecques, avec une trêve intransgressible. On y voit le meilleur (« ariston » de aristocratie).

- Le processus d'élévation de l'homme commence avec la conquête de la station debout, c'est-à-dire la technicisation du corps humain, ce que chaque bébé devra apprendre à son tour : tout mortel réapprend tout.
Il y a une sorte de récapitulation de l'évolution humaine dans le fœtus : la récapitulation embryonnaire deAckel (?). Idem pour la culture : apprendre à marcher, aller au pot. Nous savons retenir nos mixions avant d'évacuer nos toxines. La tendance à l'élévation ne se réalise qu'avec l'éducation. Sinon : expulsion de personnes ; guerres ; xénophobie ; etc.

- Protagoras : pour empêcher cela, le feu divin doit être contenu dans l'âtre, en développant une technique, c'est-à-dire ici la « technique politique ». Elle doit être possédée par tous, comme l'écriture.
À partir de 650, l'écriture se généralise dans les cités grecques, ainsi la technè politique n'est plus affaire de spécialiste. En revanche, Socrate considère que le philosophe doit diriger la cité. Protagoras, sophiste mais ami proche de Socrate, s'oppose à lui : la cité (polis : boulesis et agora) elle-même doit discuter, afin qu'ait lieu une individuation collective.
Dans le mythe de Prométhée, Zeux ne dit pas à Hermès, contrairement à Yahvé (nom de Dieu en Hébreux) : « voilà les lois que tu dois donner aux mortels ». En effet, il leur donne la capacité à en créer. Les lois ne cessent d'évoluer. Cela traduit dans l'espace le processus d'individuation collective. Le débat en Grèce était réglé par le calendrier pritanique (?). Cela suppose une individuation technique.
Pour Bernard Stiegler, l'écriture et la technique politique sont indissociable.
Hermès fait couple avec Hestia, la déesse du foyer, le lieu du feu, ainsi chez les grecs, le feu se retrouve partout, et les femmes le gardent aussi (conférence sur Hermès et Hestia sur le site d'ars industrialis).
Aujourd'hui, pour traduire le mythe de Prométhée, nous dirions que l'individuation technique n'est pas auto-suffisante. Pour qu'elle soit facteur de bonne éris, il faut un savoir thérapeutique. Ce sont des pratiques sociales issues de la technique politique des êtres noétiques. Le processus d'individuation est impulsé par la technique, d'où elle requiert une thérapeutique dans une logique pharmacologique. Pour bâtir une aretê (une vertu ; puissance ; excellence), il faut partir de la technicité.

- Platon dit le contraire : la technique est l'affaire des sophistes. Nous sommes héritiers de ce rejet de la technique. Socrate et Platon s'opposent à Protagoras. Pour ce dernier, chacun doit être son propre médecin. On est l'horizon de soi-même : c'est cela l'expérience du marcheur.
Freud : un appareil psychique accompli a un « idéal du moi », c'est-à-dire une représentation de soi qui est son idéal, souvent hérité (du père souvent en Occident).
Je suis au devant de moi comme un excès sur moi-même. Ce processus d'individuation qui me met en défaut est une augmentation de moi-même, qui me fait être.
Spinoza : ce processus augmente « ma puissance d'agir ». Les hommes sont propres à rien, mais en puissance, ils sont capables de tout.
Abbé Sieys « Qu'est-ce que le Tiers-Etat ? » : c'est tout, et pourtant, jusqu'à présent, il n'était rien. Il demande à être quelque chose. Cette situation de tiers peut être généralisée à celle des mortels. S'individuer, c'est devenir ce que je suis, par ce qui manque et ce qui dépasse la mortalité.
Il s'agit de croitre noétiquement : psychiquement, socialement, prendre part à la transformation du monde.
Gilbert Simodon, le penseur de l'individuation, 20ème : cela n'est possible qu'en participant à la transformation de l'individu collectif au sein duquel je suis.
Husserl, 19ème : il appelle l'inquiétude des mortels des « protentions ». Nous y reviendrons.

- Que contient la boîte de Pandora ? Des « contentions » (du contenu) : pour Hésiode, cette boîte contient des maux, le mal sous toute les formes.
Pourquoi la femme arrive après la technique avec le mal sous toutes ses formes ? Ces mots, ce sont des attentes contenus et retenus. Ce sont des « rétentions », alors ces attentes sont à l'origine de la bonne éris. Sans contrôle, elles sont la pulsion même, sans aidos (la pudeur, la réserve) qui fait la mesure et la civilisé (Freud : la sublimation en un investissement d'objet), alors la pulsion devient tous ces maux. C'est une boîte à pharmakas. Nous sommes inquiets car nous attendons la mort. Les animaux n'attendent pas la mort. L'homme se diffère de soi-même.

- Monothéisme, le pêché originel : « la conscience » de Victor Hugo, poème dans lequel il reprend la bible, la crainte et la culpabilité sont induits par ce pêché, par exemple le fratricide commis par Caïn.
Chez les grecs, il n'y a ni culpabilité, ni conscience. L’œil de la mort regarde les grecs. La culpabilité est une fabrication historique. Tel groupe est coupable de cela, etc. Il faut dépasser ces culpabilités. La piété chez les grecs, c'est se souvenir que les mortels sont issus de Prométhée. Les mortels ne doivent pas se prendre pour des dieux alors même qu'ils disposent du feu divin.
Ainsi pour Homère : pour regarder la gorgone (la mort), jamais directement, mais dans un miroir réfléchissant.

- La mort inspire une « elpis », une crainte et un espoir. Ce qui nous inquiète nous fait poser des questions, c'est le résultat de la déstabilisation constante produite par la technique, par exemple wikileaks. L'individuation psychique est collective peut constituer une désindividuation : en ce moment.
Il ne faut pas se détourner de la technique, mais la réinventer, en faire une thérapeutique.
Lorsqu'il y a de l'eris (émulation, discorde) quand il y a de l'elpis (attente), elle produit un processus d'individuation collective. Aujourd'hui, dans la pensée moderne, on dira que c'est un système dynamique, toujours métastable.

- Nous devrions repenser l'éristique, l'origine de la dialectique de Platon.
Arthur Schopenhauer, début 19ème, « La dialectique éristique » : c'est l'art de la controverse qui repose sur la distinction entre vérité objective d'une proposition et l'apparence de vérité que cette proposition peut prendre aux yeux des discuteurs et des auditeurs. La finalité de cet art est de fournir des moyens pour parvenir à cette dernière apparence, afin de convaincre les auditeurs que l'on a raison, même si l'on a objectivement tort.
Platon pense l'éristique comme dialectique, dans le dialogue Ménon : Le jeune athénien se rend chez un sophiste pour apprendre à être vertueux ou aretês (excellent, puissant). Socrate l'arrête : avant d'écouter cet enseignement, pense par toi-même, qu'est-ce que la vertu ? Ménon procède par une méthode qui est le début de la méthode dialectique de Platon. Trouvons des exemples de vertus. Puis qu'ont-ils en commun (un PPCD) ? Ils font cet exercice difficile, ils rencontrent des apories (des impasses en grec).
L'aporie de Ménon : tu me demandes de trouver la vertu en tant qu'elle n'est pas telle ou telle vertu, soit tu as une idée préconçue de la vertu et tu fais semblant de ne pas le savoir, soit tu ne sais pas donc tu ne la trouveras pas. Socrate se met en colère, on ne pourrait rien savoir ? Mais c'est une vraie question, métaphysique. On peut se reporter à ce que disent les prêtresses et poétesses : l'âme se ressouvient de ce qu'elle a vécu dans d'autres vies antérieures. Il semble dire que l'âme est immortelle, mais il parle de métempsychose qui n'est pas une immortalité. 

Ecole d'Epineuil : cours de philo 4



Cours 4 :
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Faire de la philosophie, c'est pratiquer une conversion (de regard).

- Chez Platon, c'est l'anamnesis, traduit par « réminiscence », c'est la « vraie pensée », la pensée par soi-même. Mais on ne peut y accéder spontanément. Cela suppose une pratique au sein d'un dispositif : le dialogue, avec l'autre, ou soi-même. La « phronesis » (éthique à Nicomaque) ou sagesse pratique se fait ici dialogue avec soi-même, ce qu'on verra dans le dialogue Phèdre dans lequel Platon décrit l'âme comme un attelage de deux chevaux dirigés par le logos et qui représentent des tendances contradictoires.

- Comment décrire ces tendances contradictoires ?
Marcel Proust dirait : « nous sommes plusieurs » (les guerres, Swan, etc).
En outre, pour Claude Lévi-Strauss, « la pensée magique » serait aussi une pensée de hantise. Nous avons transformé « les esprits » en noos (l'esprit) et nous avons intégré la raison.
Pour Freud, les tendances contraires sont des champs pulsionnels que l'on peut catégoriser en Eros, pulsion de vie (le héros et dieu du Banquet par exemple), et Thanatos, la pulsion de mort.
Enfin, ce qu'Aristote appelle « âme noétique » (aspect spirituel et intellectuel) ne peut œuvrer que par intermittence, en apercevant le milieu noétique afin de le penser (métaphore du poisson qui sort de l'eau).

- Les forces qui s'opposent créent une autre force, positive ou négative. Nous ne sommes jamais stable donc nous sommes soit en progression, soit en régression. Ainsi, ne pas progresser, c'est régresser. Il faut donc lutter contre la paresse, c'est-à-dire le recul devant sa propre transformation, et développer un art de vivre en étant conduit par une épiléméleia : la discipline ou soucis de soi. Ou encore « la technique de soi » comme le disait Michel Foucault.

- Socrate appelle « son daimon », son démon (dans le Banquet). Il a été arrêté par ce dernier et peut ainsi penser. Platon veut en finir avec « les esprits » et veut obtenir « l'esprit ». Socrate, qui défend la raison, le logos soumis au canon géométrique, est habité par l'irrationnel.
« L'anamnesis », l'effort de mémoire, est l'aporie (le problème en question) du dialogue Ménon. Socrate, qui déteste les mystagogues et les poètes, affirme que pour expliquer l'anamnesis, il faut les convoquer. Ainsi Diotima, prêtresse, est présente au Banquet (celle qui a formé Socrate ; aussi l’héroïne de Hoderlin et de Nietzche). Il y convoque aussi l'amour. Dans Phèdre, il n'y a que l'amour. Dans ces textes, Platon exprime sa conversion philosophique : l'amour de la sagesse.
Aristote le dira dans le Lycée : c'est une affaire de désir qui structure l'âme noétique.
Pour Platon, la vérité, « alletheia » en grec, est liée au désir, ou eros.
Paul de Tarse (Saint Paul) qui exprime la vie du Christ et écrit en grec parle d'agapê (amour)

- Dans la société du prêtre-roi grec (du basilus), le critère de transformation de l'avenir est la divination et non la vérité. L'alletheia vient à partir du 7ème siècle : tribunal, procédure contradictoire, jurés, avec la figure des balances. Et la vérité géométrique apparaît aussi au 7ème siècle avec Thalès. Mais il y a aussi la vérité logique, c'est-à-dire le raisonnement non-contradictoire. C'est donc un changement du rapport au passé qui doit être prouvé par des témoins, des archives, des poèmes, etc. La vie collective est alors fondé en politique sur l'agora par les citoyens qui argumentent véritativement. En cas de désaccord, on retourne à la vérité divinatoire.
Socrate et Platon apparaissent au moment d'une crise de cette vérité.

- Depuis, il y a eu d'autres types de conversion.
Husserl, fin 19ème, Allemand : la démarche phénoménologique (de la conscience).
Descartes, 17ème : le doute méthodique.
Kant, 18ème : la critique de la philosophie.
Tout philosophe convertit des conversions.

- B. Stiegler soutient que la philosophie contemporaine nécessite une nouvelle conversion : en général, la conversion serait la sortie du milieu de nos existences, en traduisant un écart, donc un mouvement, parfois violent. Comment peut-on s'arracher au milieu ? Le milieu noétique est métastable, c'est-à-dire à la limite de l'équilibre, c'est en fait un système dynamique, car c'est un milieu logique et symbolique, mais aussi technologique.
Par la dianoia - se réfléchir - c'est-à-dire la réflexivité, on peut se mettre à distance de soi-même, par l'intermédiaire de son daimon. L'âme noétique est en défaut, imparfaite, fêlée. Transformer l'avenir, c'est transformer la bêtise en intelligence.

- Cela suppose une « epokê » : une suspension du jugement. Il est à l'origine du mot « époque », cela a donc rapport avec le temps et l'histoire, donc avec des stases. L'épocalité de la pensée dit sa temporalité. C'est un techno-logos.
Pour les humains, être dans le temps, ce n'est pas subir le devenir. C'est être capable de se transformer et par la même le monde qui nous entoure. Notre rapport au temps n'est pas stable.
Hérodote a changé ce rapport à l'histoire, il découvre l'histoire en temps que tel, et non le temps du point de vu divinatoire (égyptien). C'est la conversion d'Husserl : sa conversion qu'il traduit par epokê.

- Quelles sont les conditions générales de toute épocalité ? Revenons sur la thèse de l'individuation : la technicité de ce que les grecs appellent les « mortels » (ceux qui sont habités par la mort, qui savent qu'ils mourront), c'est vivre en repoussant l'epokê de la mort, c'est-à-dire l'interrompre.
Freud « introduction à la psychanalyse » : nous sommes sans cesse entrain de repousser la mort, mais nous sommes attirés par elle. Cette pulsion de mort nous habite en permanence, mais elle compose avec la pulsion de vie. Le savoir de la mort est la plupart du temps un non-savoir.
Socrate dans le dialogue du Phédon : « la seule chose que je sais, c'est que je ne sais rien ».
- Ce rapport à la mort fait cultiver un rapport aux dieux immortels. L'« hubrys », la démesure, c'est l'obsession des grecs. Ils craignent la force de leur civilisation. Les mortels sont « par défaut », ils sont inachevés : n' ex-sister, ils sont hors d'eux (être hors), car leur mortalité se transforme en technicité.
Notre milieu est technique, nous ne le voyons pas, comme le poisson ne voit pas l'eau. Ce qui nous constitue est une production technique.
Il s'y produit des innovations. Au 19ème siècle, on a parlé d'histoire et de progrès. Auparavant, il y avait une continuité.
La production technique est l'expression technique de la mortalité. C'est une transformation de soi et de ses outils. À travers le savoir de la mort, l'homme crée des savoirs qui visent à dépasser cette mort.

- François Jacob, biologiste, a réinterprété Darwin « l'origine des espèces » : il y a deux mémoires, l'ADN, et la mémoire somatique ou nerveuse. Depuis que l'on a compris le fonctionnement de l'ADN, on sait qu'il y a des séquences de nucléotides qui constituent le génome (la génétique de l'espèce). On sait que le génome n'est pas influencé par la vie de l'individu. Les deux mémoires ne communiquent donc pas. Cela signifie que le programme ne reçoit pas de leçon de l'expérience.
L'expérience de l'individu ne peut se transmettre à la collectivité. Dès que l'homme apparaît, une mémoire technique apparaît. Elle est épi-cinégénétique. Nous passons de l'hérédité à l'héritage.

- Platon, au travers Protagoras raconte un mythe : Zeus décide que le temps est venu de faire venir au jour les races mortelles. Il prescrit à Prométhée et à Epiméthée de doter de qualités les êtres non-immortels, à chaque espèce de façon convenable. Epiméthée affirme vouloir faire la distribution seul et distribue les qualités, force sans vélocité, vélocité sans force, c'est-à-dire en égalisant les chances, afin d'éviter qu'une race ne s'éteignit. Mais, n'étant pas avisé, il restait la race non privée de raison sans qualité (l'homme).
Lorsque Prométhée contrôle la distribution, le thanatoi, homme mortel, est sans qualité. Il est en défaut de qualité. Il dérobe alors le feu, car sans le feu, il n'y aurait moyen pour personne d'acquérir le génie. C'est l'attribut divin par excellence, la force de Zeus, l'attribut d’Héphaïstos, dieu incomplet, handicapé. Prométhée est condamné à se faire manger le foie par un aigle.

Le feu est aussi la métaphore du désir. Pandora est toujours en feu. Pour Hésiode, dans la « Théogonie » : elle apparaît pour punir les hommes, ils doivent travailler afin de produire le blé, ils sont soumis à la division, à la sexuation. Pandora est recouverte de bijoux pour séduire, des breloques techniques que Héphaistos produit.
Mais le savoir d'administrer les cités, sophia, il ne le posséda pas. Ce savoir était chez Zeux. L'homme ayant eu sa part du lot divin, il fut en premier lieu le seul des animaux a croire en des dieux, à élever des autels. Les hommes sont des êtres inermes (sans défenses). Pandora ne peut s'empêcher de fouiller la jarre dans laquelle se trouve tout les maux. La technique, c'est l'origine du désir des êtres noétiques. La capacité à transformer par la technique en engendre le désir. Il cède dans l'hubrys, dont Dionysos est la figure criminelle.
La technique peut conduire à l'auto-destruction des êtres humains. Ils commettent des injustices. Seuls les hommes connaissent le meurtre inter-racial. Le feu est une fausse qualité car il se renverse en un défaut. Il leur manque « la technique politique » qu'Hermès, dieu des messagers et de la divination ainsi que de l'écriture, leur apporte. Il leur apporte le sentiment de la justice et de l'aidos, la honte (honneur, pudeur) d'être ce que l'on est, mortel, défaillant, bête. Si Hermès est celui qui apporte ces deux sentiments, c'est qu'il est aussi le dieu de l'écriture, écriture qui apporte le droit, les tribunaux, la capacité à arbitrer véritativement. 

Ecole d'Epineuil : cours de philo 3


Cours 3 :
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Rappel général sur la finalité du cours: nous, les êtres non-inhumains de l'après crise de 2008, ce que nous avons mis en œuvre pour notre bien être s'avère aussi toxique que bénéfique. Pour le moment, plus toxique que bénéfique. Platon, dialogue « Phèdre », c'est la loi du pharmakon. Cela signifie aussi bouc émissaire car l'on s'en prend à eux car nous ne savons pas y faire avec eux. Le but est de répondre à ce qu'il faudrait faire avec des pharmaka (pluriel). Il faudrait promouvoir un nouveau regard sur cette question à travers la pratique du pharmakon.
Platon : la thérapeutique, c'est-à-dire la philosophie comme médecine de l'âme. Platon raisonne par opposition, mal et bien opposés, le corps et l'âme, mortalité et immortalité. Cette opposition serait une mauvaise faire de penser.
Avant Platon pour les tragiques, il n'y a pas cette opposition. Les mortels n'ont pas de solution à la mort. Mais il y a chez les grecs le « cleos », la réputation ou la gloire. Pour Hegel, ce serait la reconnaissance. Pour les tragiques, nous sommes dans les pharmaka, nous sommes techniques et il nous faut faire avec cette ambiguïté. Pour Héraclite par exemple, la vérité de l’hiver est l'été. On ne fonctionne donc pas par opposition mais par jeu de tendance.

Désormais, après 2008, c'est-à-dire à partir de l'effondrement du système du consumérisme, et en repartant de Platon, et en essayant d'aller plus loin que la question du pharmakon tel que Platon l'avait posé la première fois. Platon s'oppose aux sophistes.

La « web philosophie » : après avoir tenté de voir le rouge ou le jaune pur (l'opposition - et non la distinction 
- pur et impur provient de Platon), « ti es ti », le rouge n'est d'aucune couleur. Il n'est d'aucun rouge, en fait il n'existe pas, sinon on pourrait le montrer. Mais il consiste à travers les rouges. Le rouge pur n'est pas sensible au sens de la vu, pourtant sans lui on ne peut rien voir. On ne peut le voir et on ne peut se passer de lui. Nous avons besoin de lui pour unifier la série des rouges rencontrés dans le monde. C'est l'intelligible opposé par Platon au sensible.
Pour Platon, l'un et l'autre s'oppose.
Aristote a appelé cela le noétique, le noos.
Kant a appelé cela le « supra-sensible ».
Pour Platon, les « idées » se tiennent sur le plan de l'intelligible, en tant qu'il est séparé du sensible.
La couleur en général, qu'est-ce ? D'aucune couleur en particulier. Nous retrouverons ces questions avec Socrate avec les figures et la vertu dans le dialogue « Ménon ».
Revenons à la question de la catégorisation et à la question « ti es ti ? » (qu'est-ce que) : traditionnellement). Socrate pose la question de l'être, de l'ontologie, puis de l'être de l'être, c'est-à-dire l'être en tant qu'être, par exemple l'être de la couleur, du rouge, etc. Cette question commence avec Aristote, pas vraiment avec Platon. Elle sera poursuivie plus tard par Heidegger, ce philosophe qui porta la croix gammée, mais qu'il faut lire. La question de l'être chez Platon se présente comme la question de la définition, donc de l'indexation. Dans les tablettes d’argiles de Mésopotamie indexait déjà, aujourd'hui c'est google l'entreprise d'indexation : un monopole mondial calamiteux alors que depuis 20 ans la recherche a été rejeté par l'état et les industriels en disant qu'il fallait laisser faire le marché, pourtant google s'est créé contre le marché en créant un nouveau marché, soutenu par le gouvernement, par l'armée, par Stanford university et des investisseurs intelligents. Il y a des critères de recherche qui forme l'indexation. Cela poursuit la question de Socrate sur l'indexation.
La méta-catégorisation, avec le logiciel « ligne de temps », pour un film cela serait découper des unités discrètes, c'est-à-dire au sens mathématique une liste finie.
Avec les technologies du numérique, la question de l'indexation se pose dans d'autres champs que celui du langage et des nombres. Il n'y en avait pas dans l'image. Depuis peu de temps, l'indexation se fait hors langage. Aujourd'hui, il y a une question globale de l'indexation par les technologies, des automates, des spécialistes et par chaque individu. Nous produisons des informations sur notre comportement à travers le web.
Ces questions relèvent de la « web philosophie ». Savoir et connaître, deux choses différentes (en anglais « knowledge »). Apprendre à parler, c'est savoir catégoriser. Ce savoir catégorisé n'est pas seulement savoir mais connaître les catégories, or je peux savoir les catégories sans les connaître.

Ecole d'Epineuil : cours de philo 2



Cours 2 :
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On devrait être transformé par le cours, mais la philosophie peut nous scléroser en nous empêchant de nous transformer. La transformation vient d'abords comme un trouble car elle contredit notre passé. La philosophie touche d'abords à notre façon de vivre.
On devient majeur philosophiquement quand on devient autonome, c'est-à-dire capable de penser par soi même. L'expérience est formée de multiples façons. Aujourd'hui, nous sommes appareillés : portables, etc – et bientôt sous la peau comme en Australie pour les banquiers -. Ce sont des modalités nouvelles de l'expérience, des pharmakas (poison et remède ; drogue), il faut en faire de bonnes. Aujourd'hui, ces nouvelles modalités sont des drogues. Elles produisent des expériences contrôlées par un monde industriel dans une captation de notre attention pour le vendre au marketing.
En tant qu'adulte, on sait des choses que l'on peut argumenter logiquement et démontrer. On peut toujours remettre en cause les savoirs constitués depuis l'intérieur, notamment lorsqu’Einstein a remis en cause la physique Newtonienne. L'expérience est la façon dont un passé, en s'accumulant, se forme de façon plus ou moins cohérente.
« Ce que je dis, c'est vous qui le dites » : si c'était moi, interrogation écrite, personne n'écrit la même chose. Où est la vérité ? La vérité n'est jamais oculaire. Un cours comme ça un processus de co-individuation, nous nous transformons ensemble, cela s'appelle penser. On ne pense jamais seul : d'autres pensent en nous sous la forme de position dialectique. Il y a des nœuds civilisationnels qui forment des questions philosophiques. Ces questions, nous les refoulons, car elles nous angoissent, si elle émergent, nous nous transformons. Gilbert Simon : processus d'individuation. Cela suppose des efforts. Nous avons tous tendance à refuser de nous poser des questions.

Individuations et désindividuations

Pindare, poète grec : s'individuer, c'est devenir ce que nous sommes. Il est cité par Nietzsche : « deviens ce que tu es ». Nous avons de plus en plus de mal à faire des efforts, donc à nous individuer. Tout est fait dans notre société pour nous rendre irresponsable, fainéant et soumis à nos pulsions.
Pindare : « il est des hommes que dévore la soif d'or, d'autres qui convoitent d'immenses héritages, pour moi, jusqu’à ce que la terre engloutisse ma dépouille mortelle, je borne mon ambition à plaire à mes concitoyens, à louer ce qui est digne de louanges et à blâmer ce qui est digne de censure ».
Ce qui est nouveau aujourd'hui est que la société soit organisée autour de la soumission aux pulsions : « tout le monde » en tant que consommateurs, c'est-à-dire en se comportant de façon grégaire.
On nous dit être individualiste, c'est faux, on ne cultive pas notre individualité. Individualiste signifie aujourd'hui égoïsme car on l'oppose à l'intérêt du groupe. La tendance grégaire nous désocialise et nous désindividue. Comme tout comportement grégaire, l'aspect sectaire repose sur l'exclusion d'un certain autre : la peur du loup, etc. Nous pouvons lutter contre notre grégarité : le nazisme est une pensée païenne qui s'oppose à toute forme de croyance qui pourrait faire obstacle au totalitarisme.
Comme le dit Freud « psychologie des foules et analyse du moi » : le mode de vie grégraire, l'homme y cède souvent dans des situations particulières ou dans des formes d'organisations politiques comme en Allemagne en 1933 (92% de plébiscite). Ces hommes s'identifient de façon régressive à un chef. Il y a aussi des foules conventionnelles. Jésus parle du troupeau notamment. Méfions-nous toujours des foules. Les philosophes combattent la régression. Socrate se méfie du « grand nombre », c'est-à-dire la foule (« rafle du Vel d'hiv » en 1942, organisée par la police française ; une immense majorité de français n'étaient pas résistants). Le stade olympique est pharmacologique, il peut donner le meilleur comme le pire.
E. Kant « qu'est-ce que les lumières ? » : il explique ce qu'est être majeur, tout le contraire des moutons.
Socrate, « Banquet » : il parle exclusivement à la jeunesse, sauf aux sophistes, devant la jeunesse. Parfois il parle avec diotima, une prêtresse.
Ars industrialis veut faire se rencontrer les générations car le marketing détruit les liens entre générations.
Il faut se rendre plus digne de vieillir, digne d'être jeune. Ce que les grecs appellent les mortels, les thanatoi, sont ceux qui ne cessent de se transformer. Le monde se transforme avec nous, ce n'est pas seulement l'univers, mais le monde terrestre, nous transformons les manières de vivre. On ne peut rester jeune, mais on peut rester ouvert, c'est-à-dire se transformer, pour ne pas devenir bête et répéter. Personne ne peut échapper à la bêtise. Les plus bêtes sont ceux qui croient pouvoir échapper à leur bêtise.
La transformation philosophique est d'une autre nature, il s'agit d'une conversion. Kant se méfie de cela et des mystagogues qui plaident pour une conversion sans passer par une critique de la raison pure. Cela pourrait ressembler à un discours religieux ou de secte. La conversion fait qu'on ne voit plus le monde comme avant. On ne cesse d'oublier ce qu'on a découvert. Le cours vise à faire vivre une expérience plus qu'à transmettre des connaissances. La philosophie est une affaire de transmission (dialogue « Ménon ») et de témoignage d'une expérience singulière (la mort de Socrate pour assumer son expérience).
Texte « Ion » de Socrate : avec Ion, un rapsode (poète et musiciens), on parle de la transmission d'un magnétisme (métaphore) chez le poète, le philosophe. Il y a un pouvoir cathartique du théâtre et de la poésie. Le poète et le rhapsode, de même que les prophètes, ne tirent pas leur talent d’un art ou d’une science, mais d’une inspiration qui leur est communiquée par les dieux.
La conversion philosophique a quelque chose à voir avec Ion. La philosophie tend à une transformation radicale, mais elle est souvent progressive et transforme le regard. Socrate : « un non-savoir » ; Rousseau : « perfectibilité ». Les philosophes ont la conviction qu'il est possible d'apprendre à partir du non-savoir. Pour Socrate, on ne sait pas et on ne saura jamais ce qui nous met en mouvement.
Platon « le timée » : « si tout était fait d'or, la seule chose que nous ne pourrions pas voir serait l'or ». Cela conduit Platon à penser qu'il faut se projeter sur un autre plan que le sensible, sur le plan de l'intelligible.
Aristote : « la seule chose qu'un poisson ne peut pas voir, c'est l'eau ». On peut faire des sauts hors de l'eau. Ce qui fait que nous sommes des êtres mortels, c'est-à-dire noétiques, dotés d'un noos (esprit ou intellect), c'est que nous pouvons sortir de notre milieu comme un poisson volant et donc « voir l'eau ». On peut alors considérer le milieu en tant que tel, mais l'âme noétique ne peut voir le milieu que de façon intermittente. Nous pouvons le mettre en question et nous y mettre en questions.
La modernité, à partir de Descartes, nous pouvons en prendre conscience (n'existe pas chez les grecs). Husserl, fin du 19ème siècle, recommande un nouveau type de conversion qu'il appelle la phénoménologie. Nous pouvons sortir du milieu noétique. Le milieu noétique est un milieu logique qui suppose le logos, la parole, il est aussi techno-logique (B. Stiegler, pas le point de vu des grecs).
La conversion phénoménologique de Husserl : il nous parle de l'expérience phénoménologique comme une expérience de conversion. C'est un discours (logos) sur le phénomène (apparaître). Il tente de repenser les mathématiques qui sont en crise dans leur fondement. La philosophie est souvent liée à des crises. Husserl, 1895, « philosophie de l'arithmétique », puis « l'origine de la géométrie » : il s'inscrit dans la pensée de René Descartes qui se pose la question du doute méthodique et même hyperbolique, c'est-à-dire absolu. On met absolument tout en doute, sauf le doute lui-même. Cela va conduire Descartes à penser que le sujet est le fondement de la pensée « ego cogito ergo sum ». C'est la refondation de l'ontologie sur le sujet. Husserl, dans cette veine, en 1901, « les recherches logiques » : il fait de l' « égologie », la seule chose dont on ne peut douter n'est pas tant le doute qu'une chose qui apparaît dans la conscience, même si on ignore si c'est réel. On ne peut jamais être absolument sûr de ses perceptions, même de ses douleurs. Qu'est-ce que voir ? Cela renvoie à l’inquiétante étrangeté (Das Unheimliche) du voir de Freud.
R. Descartes préconise la pratique du doute hyperbolique dans la première méditation : « je supposerais donc qu'il n'y a non point un vrai dieu qui est la souveraine source de vérité mais un certain mauvais génie non moins rusé et trompeur que puissant qui a employé toute son industrie à me tromper. Je penserais que le ciel, l'air, la terre, les couleurs, les figures, les sons, et toutes les choses extérieures que nous voyons ne sont que des illusions et tromperie dont il se sert pour surprendre ma crédulité. Je me considérerais moi-même comme n'ayant point de mains, point d'yeux, point de chair, point de sang, comme n'ayant aucun sens mais croyant faussement avoir toute ces choses. Je demeurerai obstinément attaché à cette pensée et si par ce moyen il n'est en mon pouvoir de parvenir à la connaissance d'une vérité, à tout le moins il est en mon pouvoir se suspendre mon jugement ». R. Descartes nous invite à sortir du milieu noétique.
C'est l'accès à des idéalités pour Husserl et pour Platon. Les idéalités n'existent pas. Le point géométrique est géométrique parce qu'il n'existe pas. Mais les idéalités rendent possible la pensée vraie de ce qui existe, c'est-à-dire rigoureuse, entièrement fondée pas à pas. Ainsi le point permet d'appréhender l'espace réel conceptuellement, à travers des concepts apodictiques (grec : démontré et fondé dans l'évidence). Cela donne une prise sur le réel et cela permet de le transformer. Tout les objets qui nous entourent sont des produits de l'industrie et de sa techno-logie, la technique passée par les sciences formelles.
On peut aborder le sujet de la mise de la science au service de l'économie ce qui donne la techno-logie. Platon se méfie plus que tout de la technique.
Ce qui n’existe pas est indispensable pour penser ce qui existe. On a appelé cela Dieu, on a tenté de démontrer l'existence de Dieu. Cela aurait fait office de projection de cette puissance qui rend possible tout ce qui existe. Exister, ce n'est que provisoire. Il y a des choses qui n'existent pas mais qui consistent.
Pour Husserl, après la crise des mathématique, il faut penser ce qui arrive à la conscience avant de savoir si cela appartient au réel ou pas. Chez Husserl , la conscience est transcendantal. On peut introduire le concept de Plaon d'aidos (idea, ce qui se donne à voir, ce qui est visé à travers ce qui apparaît). Par exemple, une boule de billard rouge devient orangée sous une autre lumière. Le phénomène de l'apparition de cette boule n'est pas uniformément rouge.
Goethe, philosophe, poète, allemand, a pensé cette question dans son « discours sur la couleur ». La couleur pure est ce que Van Gogh a cherché en Provence, « lettre à Théo » : « (sur la haute note jaune) un soleil est une lumière que faute de mieux je ne peux appeler que jaune, jaune souffre-pâle, citron-pâle or, c'est si beau le jaune ». Il cherche « le jaune », mais cela n'existe pas, sauf à consister en tout les jaunes. C'est cette consistance qui insiste dans la peinture de Van Gogh. À travers cette insistance, nous faisons apparaître notre consistance tel que nous sommes capables de nous transformer. C'est la question idéalités qui est visée : le jaune, le rouge, etc.
Platon « Ménon » : Socrate et Ménon se demandent ce qu'est la vertu, la couleur ? Pour que le rouge et le jaune consiste, il faut que la couleur consiste à son tour à travers le rouge et le jaune. Cette couleur insiste à travers toute les couleurs. Newton appellera ça la lumière. Goethe refusera cette idée, cela va au-delà. C'est la question de l'être depuis Socrate, Platon, Aristote. On parle de l'essence d'une chose ou d'une façon d'être. C'est la base de la science de l'être ou l'ontologie (l'être ; les étant). À partir de Socrate, on pose le problème de l'essence des choses « ti es ti » (« qu'est-ce que »).
La pensée métaphysique dominante depuis l'antiquité pose que « l'essence précède l'existence » . Au 20ème siècle, Sartre, existentialisme: « l'existence précède l'essence ».
On se posera la question de la technique et de l'indexation. On appelle « catégorisation essentielle » celle qui définit ces catégories spécifiques qui ne correspond pas directement à la réalité, par exemple la couleur – tout de suite multiple -. Il y a une démarche intellectuel qui cherche à décrire une réalité qui ne correspond pas d'emblée à une réalité existante. La vertu ou plutôt l'excellence grecque est la question chez les grecs dans un sens particulièrement moral. L'excellence unifie les vertus. Il y a des méta-catégories qui rassemblent elle-même des catégories. Poser la question « ti es ti » revient à se poser la question « qu'est-ce que l'être » : cela revient à indexer. Nous sommes de plus en plus dans une société réticulaire, une science industrielle de la fabrication sociale. 

Ecole d'Epineuil : cours de philo 1


Cours 1
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Introduction :

- Logos, chez les grecs, la pensée capable de démonstration et qui se soumet à la règle de l'aleteia (règle pour démontrer la vérité). Origine : la géométrie, première démonstration par Thalès, on découvre l'évidence géométrique. C'est la base de la pensée grecs, des présocratiques, que les philosophes vont développer contre les sophistes.

- Noos : esprit. Noétique : branche de la philosophie étudiant l'intellect et la pensée.

- à partir du logos, Aristote fonde la logique. Pour Kant, la logique est le transcendantal qui s'oppose à l'empirique. Pour B. Stiegler, le logos aurait toujours à voir avec la matière. Le logos est une faculté de démonstration ou du moins de critique. La politique apparaît avec le logos. Il faut donc une certaine publicité pour que la critique soit possible. Il faut aussi accéder individuellement à la capacité critique. En Grèce, la justice va devenir une préoccupation centrale : comment établir la justice qui ne peut jamais être établie définitivement. On passe de la guerre au débat. La polis – l'espace politique – est fondé sur l'isonomia – égalité devant la loi en droit et en devoir – qui pose une autonomie de pensée propre. La plus grande qualité est l'éristique : courage pour susciter l'émulation. Cela donne naissance à l'histoire : c'est un rapport au temps passé dans des conditions d'accès égal à une grande proximité « hier soir ». Hérodote (480 av JC) est le premier historien, contemporain de Platon, Pucidide est son successeur et adopte une méthode de vérification des faits.

- Apparition à Athènes des sophistes et du chef de guerre Périclès, ainsi que de Socrate, les choses tournent mal : crise économique et politique. Sophocle est un contemporain aussi, « Œdipe » et « Antigone ». Œdipe pose le problème de la tyrannie en Athènes, œdipe est un tyran qui perd la mesure de son pouvoir. Cette crise conduit à des procès et à la mort de Socrate. On en arrive à la stasis : guerre de tous contre tous. Aujourd'hui, nous sommes en crise.

- La question de ce cours, par Jacques Derrida, le rapport de Platon à l'écriture en tant que technique qu'emploi les sophistes et que Platon appelle pharmakon (drogue ; pharmaka au pluriel ; remède/poison ; bouc émissaire) : remède et poison. Husserl, phénoménologie allemande, l'écriture est la condition d'existence de l'histoire, de la géométrie, du droit. Ce qui permet de faire la Grèce est l'écriture, mais elle devient un poison. Les sophistes sont des marchands qui vendent un savoir de manipulation de l'esprit, un poison. Après 2008, nous découvrons que nos technologies puissantes sont aussi des poisons ( pétrole – CO2 ; les politiques sont pourris ; les professeurs mentent ; ordinateur- addiction). En Grèce, la technique qu'utilisent les sophistes est critiquée. Platon dit que la technique ne suffit, il faut toujours un savoir apodictique en plus, un vrai savoir. Ce savoir est une thérapeutique pour que les techniques soient des remèdes. Paul Valéry « la crise de l'esprit », 1919 : précurseur de la pensée de la crise occidentale. Jusqu'au 18ème siècle, la philosophie n'est pas séparée des sciences : Kant enseignait la géographie ; Newton se considérait comme philosophe. La séparation entre philosophie et savoir a eu lieu lors de la révolution industrielle. La philosophie est devenue accessoire. Aujourd'hui, on cherche à détruire l'enseignement de l'esprit critique.

- Chimpanzé, puis, l'australopithèque qui marche, un mètre vingt ; puis néandertalien, avec un crâne plus grand que le notre. L'homme de Lasoc et de la grotte de Chauvet a la même configuration que nous : le cerveau est le même. Nous sortons de la préhistoire vers la protohistoire, ce qui suppose la sédentarisation.
- Prométhée, titan, mis à l'esclavage par Zeus : il vole le feu (symbole de la puissance de Zeus ; le symbole du désir ; la technique) dans l'atelier d'Héphaïstos et le donne aux mortels. Cette puissance des dieux devient un poison pour les hommes. Cette douleur s'appelle la mélancolie pour les grecs : melas colie, produire de la bile noire. La maladie est la technique, mais c'est aussi la civilisation pour vivre plus près des dieux.  

Poèmes 2012 : La veillée de ceux du 19ème


 Le 19 Juin 2012

La veillée de ceux du 19ème

Venez épouser mes pointes chers
matelots de la mort

Il n'y aura nulle île, nulle terre pour
vous accaparer hors de votre sort

Vous, hommes passés du 19ème siècle, plus que
les têtes à barbes de morts

Vous scrutez depuis vos planches des catacombes
les mal-destinés

Vous semblez rire de cet hubris à laquelle
ils sont confrontés

Mais vos visages passés sont impassibles
et de pierre

Sauf vos regards, vos visions se prélassent, je l'espère,
dans une autre strate, d'un autre cercle

*

La peinture tâchée de touches bleu et rouge
que vous avez reçu : le sang, les coups

La peinture d'une épaisseur si colorée a son
emprise sur nos regards figés

La peinture fait tomber à la renverse
et ramper les visiteurs
Dans ce mausolée aux planches de catacombes,
tête trouée, il finira.

À un autre rang sera-t-elle, trouée de noir,
les lèvres gercées dans la pierre

Regard vitré, oreille arrachée – Oh ! Malheureux Van Gogh –
le cou en voie de disparition

Cette scène de défiguration a sa place centrale
dans le plus prestigieux des musées

Ceux des immensités perdues, des heures de l'errance
où l'art n'est pas rencontré

Lieu de départ et de retours obligés – le destin
mes frères – les escaliers

Marches de pierre
sur lesquelles je m'adosse : des touches piano blanches aphones

Seule sonne en moi la distance infinie jusqu'à
l'entrée du tombeau ancien

La lumière se réfracte, ne peut plus être perçue
hors de sa couleur café

Un trouble dans l'ordre,
dont les émanations entropiques ne peuvent être filtrées

Une balle dans la tête (sa barbe poussera-
t-elle ?) et il finira au tombeau de ceux du 19ème


*

Ramassez vos masques d'ivoire et revenez exprimer
près du sol vos voix et soufflez des exhalaisons
encore vivaces

Vos pieds dorés ne sont plus souillés,
ils ont fini de flétrir, tombés en poussière
respirée par les ombres

Retrouvez vos bandelettes et faites corps avec
les parois de ce ventre sacré qui ne peut plus
vous délivrer

La cire et le liège vont venir boucher les orifices,
que vous ne buviez jusqu'à la lie les vins passés,
que votre peau fonde à la lueur persistante de vos yeux

Passez ! Passez ! Dans le monde des anges qui
n'invitent personne, pas même vos regards si solides,
vous qui le méritez tant...


*


Chaque matin, avant la montée du Soleil
qui ne vous éclaire pas, je vous pleure
chers inconnus

Les éclairs la veille et le lendemain,
la bougie de veillée dans la pénombre,
auraient dû me faire oublier de verser ces larmes



Larmes douces ou de mer par nature ou d'un autre siècle,
celles encore qui prennent couleur, invisibles dans l'obscurité

Ne pouvaient-elles se commuer en cierges d'éternité ?
Et les bougies fondues en larmes salées ?

Le sang a disparu
et la chair déshydratée est laissée à l'identique.

Ces membres ont tous leurs muscles mais plus aucune force :
ils n'ont pu ramer ; ils nous le font rêver.


Poèmes 2012 : Aporie de l'oiseau instrumenté


Le 2 Juin 2012

Aporie de l'oiseau instrumenté

Pensée cristal qui se repaît de solitude,
Plus fixe qu'un grain de sable
Au bord de rien,
Verrerie sans encore de valeur,
Tesson qui endosse tout.

Au bord du dernier inatteignable,
Achoppement qui flétrit, qui épie.
Ulcère châtrant, à reclore ce vagin contre-nature,
La folie émane aussi – malheureusement – des élévations ouvertes,
Aux formes inchoatives, in-chaotiques.

Pluie, pleurs, plâtre pour calfeutrer :
Notre maison d'âme si vide,
L'écho lointain en une sourde résonance.
Les sons ainsi devenus planètes isolées
Dans l'espace infini de ma psukhè.
L'univers composé des figures tutélaires
Devenus Univers stellaire
Dont le semis lointain absorbe le lait du ciel :
Une naissance plus lente encore
Que celle de l'oisillon qui se débat au sortir de sa coquille.

L'oiseau instrumenté joue du froissement de ses plumes noires
Plus profondes et concentrées que le chant de l'oiseau lyre.
Une aséité trouble de mon existence ?
Une image poussante d'où ressort ma substance.
Je fais appel à vous daimon et génies orageux !

Pourtant si éloigné des fenêtres contre-nature au glas qui sonne
L'arrivée des anges aux regards insaisissables.
Mon seul désir est de recueillir leur pleurs.

Éloignement théologal,
Méditation où les chants ont fini de gésir,
Libations comme des froissements de papier,
Dernier mot de la descendance :
Sur chaque tombe l'explosion du timbre.

Le souvenir lui est en moi et résonnera toujours.
Quel regard ? Quel regard ?
Si noir et plein de laideur,
Déjà planté dans le vide d'un espace où l'on ne peut vivre.
Aède, à l'aide ! Orfée,
Pourquoi as-tu quitter la terre pour l'Olympe ?
L'issu est découverte d'un point de l'espace où la vie ne peut exister, l'espace.

Espaces, l'un au-dessous de l'autre dans une nuance géographique,
Lumière après lumière trouble de l'univers,
allogène des amers célestes.
S'abandonner à l'abandon de son propre visage par mues successives
Afin d'éviter le forlignage.
De l'hérédité à l'héritage : un tribut à la franchise du poème,
Dont je me dévêtirais comme d'un atour ?
Veuille que cet elpis soit intarissable !